Anachroniques

26/11/2017

Prendre le temps du regard

Rapiat Christos et Virginie, Dame nature, Des ronds dans l’O jeunesse, 2017, 32 p. 16€50
Voici un très bel ouvrage, parfait pour un cadeau. Le livre est un appel à l’attention : faire attention à la terre, faire attention à la planète, aux diverses formes de vie qui la peuplent, l’animent, en font la grâce. La volonté du texte souligné par le travail du dessin et de la peinture est de porter un message d’harmonie dans un monde contemporain qui privilégie la guerre, le heurt, l’inconscience consumériste. Si les images illustrent le texte, elles entourent le propos de magnificence où l’humour côtoie l’irréalisme, où la vue de reconnaissance flirte avec l’appel au regard intérieur, affectif, émotif. La fin est intéressante, en ce qu’elle invite l’enfant à s’interroger : « cette histoire n’est pas terminée parce que je n’en connais pas la fin (…) chacun d’entre nous peut la continuer afin qu’un jour elle finisse bien ».
Au jeune lectorat, en son avenir, à construire une fin heureuse.

Chabbert Ingrid, La Tisseuse de nuages, illustrations de Virginie Rapiat, Des ronds dans l’O jeunesse, 2017, 32 p. 16€50
Le monde d’un petit village du Mont Tai subit la sécheresse. Une légende enseigne que le descendant de la première famille du village devrait alors partir en quête de l’origine des eaux.
Ingrid Chabbert propose ainsi un récit de création sensible. Le texte vise à mettre des mots sur l’indicible que constitue le rapport de l’humain à l’univers. Nous parlons d’indicible car, dans nos sociétés, le rapport au monde est tant filtré par des instruments, par des dispositifs de divertissements, par des discours préventifs en tout genre, que les contemporains et en premiers les jeunes enfants, n’ont plus d’espace où nourrir une intuition directe de la relation de l’humanité à l’univers qui l’entoure, qu’elle habite.
Ainsi, donc, le père part du village. L’héroïne, Chih-Nii, à laquelle l’enfant lecteur est invité à s’identifier, va entendre la détresse de la mère, elle va subir le regard railleur des villageois, elle va voir son intégrité morale et celle de sa mère atteinte par la rumeur. Mais Chih-Nii veut agir. L’album bascule alors dans une histoire onirique que servent à merveille les illustrations de Virginie Rapiat. Chih-Nii fabrique, avec son métier à tisser porté tout en haut du Mont Tai des nuages de fils. Les nuits passent et le labeur jamais ne cesse. Le ciel, chaque matin arbore de nouveaux nuages de toutes les couleurs. Grâce à cette œuvre réalisée avec patience et ténacité, finit par tomber la pluie.
Alors l’opinion publique se retourne et pas un membre du village qui ne voue un culte au père de Chih-Nii. Quand celui-ci revient, il est pâle et amaigri. Tout le village le fête mais lui leur explique que la pluie tombe grâce à l’œuvre humaine de sa fille. La légende n’est qu’une légende. Le récit reste un récit, mais il invite à comprendre que le sort de la terre et donc des peuples dépend de ce qu’ils sauront ou non construire pour retrouver l’harmonie perdue de la nature.
Les dessins et peintures pleine page de Virginie Rapiat ouvrent l’imaginaire des enfants, comme s’ils cherchaient à envoyer le beau et sensible texte d’Ingrid Chabbert vers des représentations oniriques. Les couleurs chastes, contrastées mais douces, le travail au trait à maints endroits, la luxuriance des illustrations et l’inspiration asiatique des images en accord avec l’histoire tissent un univers de conte pour notre temps. Un chef d’œuvre.
Philippe Geneste

Entretien avec l’illustratrice Virginie Rapiat
Lisezjeunessepg : Comment travaillez-vous, quelles techniques utilisez-vous ?
Virginie Rapiat : Tout est entièrement réalisé en peinture acrylique, au pinceau. Aucune autre technique ne vient en surplus et il n'y a pas de retouche infographique. Les illustrations originales font environ deux fois la taille des reproductions dans les livres : travailler sur de grands formats me permet ainsi d'aller chercher le détail et de peaufiner les textures. Je peins systématiquement sur du papier bordeaux, toujours de la même marque, car je sais parfaitement comment réagissent mes couleurs par dessus. Je suis aussi très fidèle à la même marque de peinture. Cela me permet d'obtenir des rouges très particuliers et des nuances impossibles à obtenir autrement. Je commence par le fond, puis les éléments principaux de la composition, pour ensuite m'attarder sur les détails. Je commence toujours par les teintes foncées et vais progressivement vers les plus claires ; je procède donc par "strates" successives. Par exemple, pour le fond, il me faut environ 10 à 15 strates différentes, donc 10 à 15 couleurs différentes. Les accents de lumière viennent uniquement à la fin. Mes pinceaux vont d'une taille moyenne pour les fonds jusqu'à des pinceaux ne comportant que quelques poils. Parfois même je dois travailler avec un cheveu !
Lisezjeunessepg : Vu la richesse des pages illustrées, cela doit prendre du temps ?
Virginie Rapiat : Pour peindre une illustration complètement (sans le dessin préalable), il me faut de 4 à 7 jours complets, selon la difficulté de la composition. C'est donc un travail de patience mais je n'envisage pas du tout de travailler autrement qu'avec une technique dite "traditionnelle", manuelle. Je ne prendrais pas le même plaisir en réalisant mes visuels sur un logiciel pilotant un ordinateur.
Lisezjeunessepg : Pour La Tisseuse de nuages, plus particulièrement, on sent une influence de l’art asiatique sur votre technique de travail. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Virginie Rapiat : Mon travail est très nettement influencé par les compositions japonaises (estampes, tissus...), les traditions et couleurs de cette culture. Les paysages asiatiques me fascinent. Mes référents sont aussi très souvent empruntés à la nature, particulièrement ce qui est minuscule, ce que l'on ne prend pas le temps de regarder: la structure des feuilles, les gouttes d'eau, les reflets sur l'eau, les entrelacs végétaux...
Entretien réalisé en novembre 2017

19/11/2017

Injustice et avenir pour deux jeunes filles de la banlieue

PATTIEU, Sylvain, Des impatientes, Editions du Rouergue, 2012, 249 p., 19,50 euros. ISBN : 9782812603884

Résumé :
Ce livre s’organise en deux grandes parties.
La première partie, intitulée « La rupture », est consacrée à la description de la vie dans un lycée du 93. Le lecteur alterne entre des extraits écrits par un narrateur anonyme qui décrit différents aspects du quotidien au lycée et d’autres racontés à la première personne et relatant la vie des trois personnages principaux : Kevin, Alima et Bintou.
En effet, le lecteur suit le parcours, d’abord lycéen puis dans le monde de l’entreprise, de deux jeunes filles : Alima Sissoko et Bintou Masinka. Toutes les deux sont d’origine africaine, habitent en banlieue et leurs parents sont d’une classe sociale défavorisée (leurs mères en tout cas, car leurs pères sont absents). Pourtant, elles sont très différentes : Alima, jolie fille mince et très timide, est une excellente élève. Elle n’a que deux amis, une fille gothique et un garçon homosexuel, et ne s’intéresse pas du tout aux garçons ni aux histoires d’amour, ce qui compte pour elle étant le Baccalauréat puis d’intégrer Sciences Po. Au contraire, Bintou, très ronde et exubérante est une élève difficile qui, en fait, souffre du décès de sa grande sœur. Elle aime sortir en boîte avec ses copines et draguer les garçons. Au début du roman, les deux filles ne se connaissent pas. Elles ont des vies et des amis complètement différents. Elles ne sont pas dans la même classe non plus, Bintou étant en Terminale Mercatique et Alima en Terminale S.
Parallèlement aux histoires de Bintou et d’Alima, l’histoire d’un troisième personnage est racontée : celle de Kevin Rullier, jeune enseignant de 28 ans en histoire-géographie. sa copine le quitte. Cette rupture le bouleverse et il se remet complètement en question. Un jour, au lycée, alors qu’il est fatigué et vient d’avoir cours avec la classe, difficile de Bintou, il enchaîne l’heure suivante avec la classe d’Alima. Il décide de faire un contrôle surprise aux élèves. Alima, l’élève studieuse, ayant noté le contrôle pour la semaine suivante, le lui fait remarquer. Kevin, déjà excédé à cause de l’heure précédente, l’exclut du cours. Alima obéit et sort, bouleversée. Elle se met à pleurer dans la cour et un garçon vient vers elle pour la consoler. Manque de chance, il s’agit du copain de Bintou, qui est en cours et voit tout par la fenêtre. Jalouse, Bintou s’énerve immédiatement, sort de sa classe en bousculant l’enseignante qui essaie de s’interposer. Dans la cour, elle se jette sur Alima et toutes les deux se battent. Kevin, entendant les cris, laisse sa classe et s’interpose mais Alima, sans faire exprès, lui cogne le nez. Bintou et elle sont exclues du lycée.
C’est là que commence la seconde partie du livre, intitulée « Les bonnes femmes », où le lecteur retrouve ces deux filles, mais cette fois dans le monde de l’entreprise. Alors que Bintou est ravie d’intégrer le monde du travail, son dossier étant de toutes les façons trop mauvais pour qu’elle soit intégrée dans un autre lycée, Alima subit cette situation. Après avoir frappé un enseignant, elle ne pourra pas tenter Sciences Po cette année et sa maman, furieuse, ne la soutient pas et ne cherche pas à l’inscrire dans un autre lycée. Alima veut passer le Baccalauréat en candidate libre mais, en attendant, elle doit travailler. Bintou et elle se retrouvent à l’entreprise de Décora. Le personnage de Kevin, l’enseignant, s’efface tandis qu’un autre personnage entre en scène : Aziz, un vigile d’une trentaine d’années, qui tombe amoureux d’Alima. Il s’agit d’un jeune homme traumatisé par son passé de sans-papier, extrêmement timide, qui n’ose pas parler à la jeune fille. Alima et Bintou semblent se réconcilier. En effet, Bintou a compris que son copain l’a trompé en boîte avec une fille, qu’il n’est pas fiable. Elle s’en veut un peu de s’en être prise à Alima. De son côté, cette dernière se syndique à la CGT. Une grève des caissières et des vendeurs est lancée et va durer 5 jours. Devant Décora, les employés tiennent un piquet de grève pour informer les passants de leurs revendications portant sur leurs conditions de travail. Les amis de Bintou et d’Alima, venus pour soutenir leurs copines, se rencontrent. Au bout de cinq jours, le travail reprend et aucune revendication n’a été accordée. Aziz, en tant que vigile, n’a pas pu faire grève mais, au fond de lui, soutient les grévistes. Il se sent exclut par les caissières et souffre de plus en plus de l’indifférence d’Alima à son égard. Une fois que le travail reprend, il finit par lui avouer ses sentiments. La jeune fille ne s’y attendait pas, concentrée sur son avenir professionnel, sans compter leur différence d’âge. Elle le repousse gentiment. Après ce refus, Aziz met un objet de valeur appartenant au magasin dans le sac d’Alima. Elle se fait prendre et elle est renvoyée. Bintou quitte également Décora peu après.

Mon avis :
Dans la première partie du livre, l’auteur a très bien cerné le quotidien de la vie dans un établissement sensible du 93 et les difficultés que la communauté scolaire peut rencontrer. Cela est notamment montré grâce au personnage de Kevin. L’injustice que subit Alima au lycée montre bien que l’environnement scolaire peut avoir une influence sur l’avenir de certains jeunes : si Kevin, déjà fragilisé par sa rupture, n’avait pas été provoqué à l’heure précédente par Bintou, il ne se serait probablement pas énervé suite à la réflexion d’Alima sur le contrôle.
Dans la seconde partie, le fonctionnement, très hiérarchisé, de l’entreprise, est parfaitement bien décrit. La fin du livre est peut-être un peu brutale : Alima et Bintou quittent le monde de Décora et le lecteur ne sait pas ce qu’elles deviennent.
Personnellement, j’ai eu de la compassion pour Alima, qui se fait injustement renvoyée d’un cours ; qui se fait frapper par Bintou alors qu’elle n’a rien fait avec son copain ; et qui se fait renvoyer de Décora, là encore, suite à une injustice. En revanche, j’ai eu plus de mal à avoir de la compassion pour Bintou, malgré le décès de sa grande sœur. En effet, elle me paraît plutôt méchante, pas très intelligente et inconsciente de la gravité de ses actes. Elle ne s’implique dans la grève que pour « foutre le bordel » et soutenir Alima. La réconciliation entre les deux filles me semble un peu improbable, sachant que c’est à cause de Bintou qu’Alima est renvoyée du lycée.

Milena Geneste-Mas

12/11/2017

La littérature pour mémoire des peuples indiens

Alors qu’en Argentine, la disparition de Santiago Maldonado, soutien des indiens Mapuche qui protestent contre le vol de leur territoire de Patagonie par la société Benetton, deux ouvrages paraissent, l’un sur les indiens de la Terre de Feu et l’autre sur les indiens du Canada. Dans les deux cas, le lecteur est confronté à l’anéantissement d’une civilisation, à l’oppression d’un peuple qu’il s’agit, pour les colonisateurs, de rayer de la carte des Amériques.

Heissat Jacqueline, Lasik et la baleine. Légendes de la Terre de Feu, L’Harmattan, 2017105 p ; 12€
Voici un remarquable ouvrage, à l’évocation dense de quatre peuples de la terre de Feu. Il propose à travers des contes ou légendes des peuples Selk’nams ou Onas - peuple du centre et du nord de l’île-, Yagans ou Yamanas -peuple des îles du Sud et du sud-ouest ainsi que des canaux de la côte-, Haushs ou Manekenks –peuple du sud-est, Kaweskars ou Alakaloufs –peuple de l’ouest de l’île et des canaux de Patagonie.
Les contes montrent les conditions de vie incroyables auxquelles ces peuples ont dû s’adapter, comment ils l’ont fait. Ces contes sont des récits de la création, récits de la naissance des saisons, récits de la lune et du soleil, des animaux marins. Ils décrivent aussi la cérémonie du Hain, cérémonie d’initiation basée sur des jeux de rôles, et réservée aux jeunes hommes. On y voit aussi la place centrale des femmes seules habilitées à plonger dans la mer glacée. Après les contes, l’autrice présente les peuples qui ont tous été décimés par la colonisation. Ces peuples de chasseurs, de pêcheurs, certains ne vivant que sur l’eau, parlaient des langues uniques dont on ne connaît pas l’origine. Les deux derniers siècles, sous la bannière du progrès, ont fait disparaître ces pans exceptionnels d’humanité et de culture dont ne subsistent que des bribes fuégiennes. Les selk’nam’s pensaient l’humain dans son lien avec toute sa communauté « mais aussi de tout l’univers visible et invisible ». Chez les Haushs, la métamorphose n’était pas qu’une figure poétique, elle représentait la fonction même de l’adaptation à la nature.
Le travail de Jacqueline Heissat est vraiment à relever. Elle fait revivre des légendes cosmogoniques et étiologiques qui inscrivent la civilisation des Fuégiens dans la culture humaine dont on mesure toujours l’unité derrière la diversité. Les textes rassemblés s’apparentent davantage à la légende qu’au conte, dans la mesure où le merveilleux, l’étrange s’y fond dans le réel et l’habituel des rites, des coutumes et des mœurs. Les histoires de Heissat adhèrent à des choses historiques connues et prend une place bien particulière dans la collection où elle paraît, la légende des mondes. Le petit volume vient rappeler que l’extinction de l’humanité que le capitalisme a mis à l’ordre du jour de ses fascinations guerrières, atomiques et polluantes, que cette extinction a une longue filiation dont les légendes de la Terre de Feu livrent des traces venues du bout du monde : « Vos pas semblent se perdre dans le silence des terres gelées. Vos silhouettes s’estompent dans le brouillard du vent glacé ». 

Fontenaille Elise, Kill the indian in the child, oskar, 2017, 92 p. 9€95
Les éditions Oskar font paraître un roman qui retrace la vie d’un jeune indien Ojibwé (au Canada). On est en 1969, le premier homme pose le pied sur la lune. Un enfant Ojibwé (peuple indien autrefois nomade, de la région des grands lacs) s’est enfui d’un pensionnat catholique pour indiens. Trop faible, il meurt de faim et de froid. Un journaliste courageux se lance en quête d’informations. Ses articles révèlent les conditions de vie de ces jeunes indiens que le fanatisme raciste et religieux veut acculturer : sévices dont l’usage de la chaise électrique, privation de sa langue (algonquien) et imposition de l’anglais, privation de son nom au profit d’un matricule, viol, malnutrition, hygiène déplorable, la perpétuation du génocide des indiens devient affaire d’éducation religieuse et de corruption.
Le récit de Fontenaille s’appuie sur un fait divers avéré, l’histoire de Chanie Wenjack (Mukwa dans le livre). Il compose une histoire qui épouse la pensée magique des indiens et décrit la ségrégation raciale à l’œuvre à la fin des années soixante à leur encontre. Le roman révèle en détail les abus qui avaient cours dans les pensionnats canadiens dont le plus connu est resté Sainte Cécilia, mais aussi les abus dans les écoles résidentielles où les agents du pouvoir acculturaient les indiens quand ils ne les tuaient pas par la maltraitance infligée : on estime à 30 000 le nombre d’enfants qui ont trouvé la mort dans ces institutions religieuses. Ce récit bref, bien écrit, est un livre élevé contre la discrimination d’un peuple, qui rappelle la férocité d’une colonisation. La devise des institutions pour jeunes indiens c’était ce qui donne le titre au livre de Fontenaille : Kill the indian inside, soit « tuer l’ojibwé en moi » dit Mukwa…
Philippe Geneste

NB : Sur les Ojibwés ou Ojibways, lire Françoise Perriot, les indiens d’Amérique du Nord, Milan, coll. Les encyclopes, 2005, 224 p. 

06/11/2017

Vers le monde de la lecture, dans le langage des mots

Le premier livre en tissu de bébé, Petit chat et ses amis, 6 volets, boîte cartonnée avec fenêtre, Casterman, 2017, 13€90 ; Le premier livre en tissu de bébé, Petit ours et ses amis, 6 volets, boîte cartonnée avec fenêtre, Casterman, 2017, 13€90
Ces deux ouvrages proposent un imagier réalisé sur un livre en tissu très doux au toucher. L’un se rapporte aux animaux familiers ou qui peuvent l’être selon où vit l’enfant (chat, chien, raton-laveur, lapin, chouette, abeille), l’autre aux animaux sauvages (ours, crocodile, éléphant, tigre, lion, singe). Les illustrations sont en noir et blanc. Les livres se déplient comme un accordéon. Le livre est pensé pour être adapté au tout petit. C’est plus une invitation à conforter le geste de la lecture qu’à proprement parler un livre documentaire vu l’âge de l’enfant auquel il s’adresse. Et c’est dans cette fonction que nous le chroniquons ici comme une heureuse initiative éditoriale.

Le Hénand Alice, Sur le pot ! Illustrations Thierry Bedouet, Milan, 2017, 14 p., 10€90 ; Le Hénand Alice, Les petits mots polis, illustrations Thierry Bedouet Milan, 2017, 14 p., 10€90
Ces deux ouvrages de la collection Minimousses abordent une situation du quotidien du tout petit enfant. Le jeu de languettes qui anime les pages fortement cartonnées, permet à l’enfant de jouer avec les historiettes animalières très brèves qui composent les doubles pages. Dans le second ouvrage, les mots abordés sont : bonjour, s’il te plaît, patiente, merci, demander pardon. Les deux ouvrages sont à recommander car ils sont bien en prise avec la réalité de la vie enfantine.

Mon imagier à jouer. Animaux, Casterman, 2017, 10 p. 9€90 ; Mon imagier à jouer. Safari, Casterman, 2017, 10 p. 9€90
Grâce à un jeu de glissière à l’intérieur des fenêtres dans lesquelles se déplacent ainsi les images, l’enfant est appelé à faire apparaître le nom de l’animal dont la page de gauche donne la définition descriptive simple. Il s’agit donc de livres qui se manipulent, qui portent à rendre la dénomination active par le jeu de la manipulation du livre. Le premier est présente des animaux plutôt familiers, le second des animaux sauvages. Ces deux livres valent comme imagier actifs, sans contourner pour autant l’interrogation que nous avons, toujours, sur le rôle dévolu à l’imagier auprès des enfants qui n’ont pas l’expérience des animaux présentés.


L’Imagier du Père Castor Arabe-Français, Père Castor, 2017, 264 p. 12€
Cette édition du célèbre Imagier du Père Castor explore les mots de la vie quotidienne dans deux langues : chaque image est accompagnée du mot arabe écrit en caractères arabes (arabe littéraire) et en caractères latins, puis de son équivalent en français. 470 mots, retranscrits entièrement avec les voyelles, répartis en dix thèmes, voilà un outil idéal pour les enfants et les débutants. Le travail bilingue est réussi et l’imagier s’avère un outil biculturel à recommander. Restent, après cette louange, nos réserves quand à la croyance des éditeurs et de nombreux parents en ce que les images renvoient vraiment l’enfant aux objets. Rappelons que l’imagier renvoie l’enfant non aux objets mais à leur image, c’est-à-dire à leur représentation. La question demeure de savoir si l’imagier stimule l’imagination ou la représentation linguistique ? Pour la première, la réponse est positive, elle est bien plus réservée pour la seconde. Certains demanderont aussi si l’imagier, quand même, ne favorise pas la représentation conceptuelle du monde. Mais là comme pour la représentation verbale, la réponse ne peut qu’être très réservée. Enfin, d’autres partisans de l’imagier soutiendront que ce dernier aide l’enfant à photographier l’image graphique du mot qui désigne l’image. C’est là une hardiesse qu’il faut appeler à la prudence d’exercice.

Brunelet Madeleine, A La Maison, 100 images et mots, Père Castor, 2017, 10€50 ; Brunelet Madeleine, Les Animaux, 100 images et mots, Père Castor, 2017, 10€50
Ce nouvel imagier du père Castor a ceci de particulier qu’il est réalisé à partir de cartes à jouer retenues par un élastique intégré. La dimension de ces cartes est étudiée pour s’adapter à la main des petits enfants. Ce choix éditorial rend plus explicite le caractère d’objets de ce à quoi renvoient les images et les mots qui en forment la légende. Un livret conseil est spécialement adressé aux parents. Les lecteurs connaissent nos critiques sur le concept même d’imagier pour les enfants mais nous reconnaissons l’intelligence de la nouvelle présentation.

Battault Paule, L’Attrape-cauchemars, illustrations de Charlotte Ameling, Milan, collection albums animés éveil, 2017, 18 p. 15€20
Voici un nouvel album aux illustrations douces et en relief, qu’on lira avec le tout petit enfant. Le livre invite l’enfant à toucher les monstres et ainsi à vaincre la peur que l’image et son commentaire par l’adulte pourraient susciter. Sont rassemblés les personnages que d’autres lectures évoquent : l’ogre la sorcière, le fantôme, le loup, le dragon, le poulpe géant.

Commission lisezjeunesse