Si on part du constat de la discordance entre « la fonction éducative et la fonction distractive du livre pour enfants » (1), ne pourrait-on pas dire que la lecture à voix haute par l’adulte efface la contradiction. Non pas que le livre pour le petit, celui auquel ce blog est consacré, est écrit pour les parents, mais seulement parce que le dialogue est la liaison émotive, culturelle, linguistique, bref, humaine qui fait se tenir debout l’univers, qui le rend compréhensible. Peut-être que l’adulte lecteur à l’enfant « injecte des éléments infantiles » (2) dans les tonalités, la voix, sans doute d’ailleurs, et sans doute y trouve-t-il du plaisir, comme une suspension momentanée hors du réel qui le bouscule. Mais, en général, le livre donne une fonction à cette figure de l’adulte, figure de la transmission, d’une part, de guichetier de l’imaginaire d’autre part. Trois petits livres pour les tout petits nous serviront de guide pour cette première observation du thème.
(1) Aranda, Daniel (texte réunis par), L’Enfant et le live, l’enfant dans le livre, Paris L’Harmattan, 223 p. 21€50 – p.11
(2) Ibid. p. 12
Delessert Etienne, Yok-Yok. Cache-cache, Gallimard jeunesse – Giboulées, 2012, 36 p. 6€10
Alors que s’est tenue du 10 janvier au 15 février 2013, l’exposition Plein cadre à l’école Estienne, entièrement consacrée à l’artiste, le dernier venu de la série Yok-Yok explore la maison, de la cave au grenier, de la cuisine au salon. Les peintures de Delessert suffisent à l’histoire, même si le texte n’est pas redondant. On pourrait dire que le texte est un filet pour l’adulte qui raconte le livre à l’enfant. Les objets et les personnages vivants sont assimilés par l’œuvre graphique ce qui installe l’univers dans l’univers magique de l’enfance que connaît très bien Delessert, rare dessinateur pour la jeunesse à avoir travaillé avec Jean Piaget pour ne pas forcer l’horizon de compréhension des enfants lecteurs.
Tamarkin Annette, Grand-Petit, Gallimard jeunesse – Giboulées, 2012, 22 p. 15€70
Ce livre pop-up, livre animé, a pour but d’apprendre aux enfants à différencier le grand du petit. Conçu par double page, il présente des scènes qui se renversent dans la double page suivante : ici, un oiseau géant tient un œuf minuscule, la double page suivante, l’oiseau a disparu, on ne voit plus que l’œuf géant.
Tous les dessins sont extrêmement stylisés, si bien qu’il n’est pas si facile que cela d’identifier les animaux et les objets présentés. Sous prétexte d’image, la littérature de jeunesse livre comme évidence ce qui ne l’est pas nécessairement. C’est donc le commentaire de l’adulte lisant le l’ouvrage avec l’enfant qui donne son intérêt au livre en lui garantissant une pertinence de lecture. Laissé seul face aux images, l’enfant serait perdu et le livre ne serait qu’un écran aux alouettes, si on veut bien accepter cette image.
Tamarkin Annette, Oh les bébés !, Gallimard-jeunesse, - Giboulées, 2012, 22 p ; 15€70
Un cœur, un rond, une fleur, un nounours, ce sont les motifs qui se dessinent sur les doubles pages en pop up représentant un bébé en pleine joie, un bébé noir, un bébé blanc, un bébé déguisé, un bébé habillé, jamais tout nu, et qui saute, tend les bras. Pour quoi ? Un câlin ? Un bisou ? Pour être transporté dans les airs, dans les bras ? C’est un livre joyeux, gai, dont les couleurs illuminent le regard, suscitent rire et sourire, invitent à l’historiette que papa et maman se complairont à raconter, à susciter ?
Corazzini Nadia, Caiti Giampiero, Popcol tome 1 Mimiques comiques, Casterman, 2011, 16 p. 8€95 ; Corazzini Nadia, Caiti Giampiero, Popcol tome 2 Jolis monstres, Casterman, 2011, 16 p. 8€95 ;
Corazzini Nadia, Caiti Giampiero, Popcol tome 3 Animaux dingos, Casterman, 2011, 16 p. 8€95 ;
C’est une collection nouvelle de pop-ups interactifs à composer soi-même grâce à des planches de gommettes autocollantes repositionnables. Ces gommettes représentent des nez, des bouches, des accessoires, des symboles amusants, des yeux. Les volumes simples des pop-ups correspondent bien à l’âge visé : 3 ans. Le déplacement des gommettes permet aux enfants de recomposer à l’infini les visages et s’en amuser, du réalisme au fantastique, de la vache à l’extraterrestre, c’est une large gamme de figures à fabriquer qui s’offre aux enfants. Il ne fait pas de doute que l’aide d’un adulte est requise, pour ouvrir la manipulation à l’imaginaire, pour permettre à la composition en pensée à se trouver matérialisée.
Geneste Philippe