Perrin Michel, Ailes d’arc-en-ciel, illustrations de Béatrice Guillemard, éditions Chant d’orties, collection Les coquelicots sauvages, 2012, 24 p.
Voici un bel album qui pose bien des questions et de ce fait est à recommander en lecture pour les enfants à partir de 6 ans jusqu’à 666 ans.
Michel Perrin propose une variation narrative du thème du cancre, mis à l’honneur, en poésie, par Prévert. On peut regretter que le cancre soit assimilé à l’enfant qui aime dessiner, car c’est un motif quelque peu stéréotypé, mais l’histoire de Perrin est très adroitement composée et pose, en creux, un certain nombre d’opposition. Le cancre connaît même s’il ne sait pas ; il se nourrit des savoirs construits dans l’action de vivre qu’il privilégie aux savoirs scolaires. Le cancre veut être lui et non pas décliner sa personne dans le tiroir des métiers que l’école veut lui suggérer d’épouser. Il est un être de liberté qui se heurte sans cesse à la vie normée. Le cancre est un refuseux, il fuit l’embrigadement des comportements inculqués. Le cancre s’exprime, mais il refuse de réciter.
L’ouvrage est servi par le travail plastique de Béatrice Guillemard. Ce travail fait plus qu’illustrer, il pose l’œuvre dans l’époque des années cinquante. Alliant le dessin, la peinture, la photographie, la sculpture, la composition plastique, la reproduction d’images scolaires d’Épinal, Guillemard oblige, par le procédé du montage, à prendre des distances avec les époques.
Cet alliage du texte et de l’image, des mots et de leur mise en page, permet à l’album de tenir un discours non daté mais qui vaut comme réflexion pour le présent, comme pour le passé et l’avenir. Là est la réussite de l’œuvre.
Certes, le choix éditorial de parsemer les pages d’éléments graphiques avec une typographie très normée pour le texte ne convainc pas toujours. De même, le format italien n’est pas non plus très opportun et c’est dommage, même s’il s’agit sûrement d’une contrainte de collection.
Toutefois, ces critiques n’enlèvent rien à l’intérêt de cet album dont on ne peut qu’espérer que le plus grand nombre d’enfants puisse le lire.
Geneste Philippe