Peters Julie anne, La Face cachée de Luna, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Alice Marchand, collection "Macadam", éditions Milan, 2005, 384 p., 9€
Peu de livres abordent les questions de sexualité et d'être masculin ou féminin, très peu dans le domaine de la jeunesse. Il n'est pas sans signification que ce soit le courant de naturalisme tempéré, dont on peut dater l'apparition de 1998 avec la publication de Junk de Melvin Burgess (Gallimard), qui engendre un roman pour adolescent dans ce domaine. La Face cachée de Luna est un roman d'apprentissage, un parcours d'initiation qui est parcours de transition : Liam, né garçon se vit en fille, mais à l'extérieur, pris dans les rets des comportements sociaux et des stéréotypies différenciées en fonction du genre, comment vivre ? Comment s'accepter ?
Le récit repose sur une dualité de héros ou plutôt d'héroïne : Liam qui se veut Luna cette fille qu'il est intérieurement, et sa sœur, Regan. C'est par son affirmation dans la société, par le courage d'apparaître lui/elle-même que Liam/Luna va conquérir, se conquérir, autant que conquérir sa place dans le chœur social.
La composition du récit s'appuie sur les rapports entre parents et adolescents (jeunes gens vivant encore dans leur famille) et entre pairs, le cercle des amis et amies. La narratrice n'est pas Liam/Luna (en cela Julie-Anne Peters évite le faux récit intime, ce qui n'est pas sans signification dans un texte qui traque l'hypocrisie, le mensonge, le paraître comme voile social du conservatisme) mais Regan, la sœur. Ce dispositif narratif installe, en retour, les dialogues au cœur de la construction de soi, les dialogues, donc la confrontation, le rapport à l'autre aux autres de l'autre des autres à soi. Il n'y a, donc, pas de dissertation de l'auteure sur le sujet de son livre. L'action et les dialogues livrent, seuls, le sujet, l'approfondissent au fil des pages.
Du coup, La Face cachée de Luna montre que la tolérance est un privilège des dominants qui détermine l'espace du permis (et donc celui de l'interdit) dans des constructions sociales, dont la construction sexuelle identitaire. C'est pour cela que le roman porte une charge critique aiguisée contre l'homophobie et la norme hétérosexiste.
C'est un des thèmes de la réflexion d'un courant de la critique des genres, outre-Atlantique, particulièrement fécond.
La Face cachée de Luna permet, également, au lecteur, de ne pas confondre transgenre et homosexualité. Là encore, sans que l'auteure emprunte la voie du discours scholastique. Aux dialogues est dévolue cette tâche.
Alors, le naturalisme tempéré de Peters réussirait-il, là où Burgess ne cesse d'échouer en ses fins de roman, à savoir laisser béante une brèche critique grâce et par la littérature de jeunesse ? La critique des genres, la défense des transgenres, ont une charge critique indéniable, ne serait-ce que dans le domaine capital de la stéréotypie sexuelle. Pour autant, si le livre de Peters excelle à faire advenir à la conscience du lectorat la complexité des désirs, il le laisse sans arme sur la question de la non-naturalité de l'hétérosexualité. Surtout, Luna part, va se mettre hors de son monde initial, pour achever sa transition ce qui renvoie l'héroïne à cet univers virtuel (Liam/Luna est unE expertE en informatique) dans lequel elle s'enfermait jusqu'alors pour mieux se trouver elle-même. C'est sûrement une limite, en tout cas, c'est notre sentiment, mais qui ne saurait suffire à diminuer l'intérêt assez exceptionnel du roman de Julie Anne Peters.
Peu de livres abordent les questions de sexualité et d'être masculin ou féminin, très peu dans le domaine de la jeunesse. Il n'est pas sans signification que ce soit le courant de naturalisme tempéré, dont on peut dater l'apparition de 1998 avec la publication de Junk de Melvin Burgess (Gallimard), qui engendre un roman pour adolescent dans ce domaine. La Face cachée de Luna est un roman d'apprentissage, un parcours d'initiation qui est parcours de transition : Liam, né garçon se vit en fille, mais à l'extérieur, pris dans les rets des comportements sociaux et des stéréotypies différenciées en fonction du genre, comment vivre ? Comment s'accepter ?
Le récit repose sur une dualité de héros ou plutôt d'héroïne : Liam qui se veut Luna cette fille qu'il est intérieurement, et sa sœur, Regan. C'est par son affirmation dans la société, par le courage d'apparaître lui/elle-même que Liam/Luna va conquérir, se conquérir, autant que conquérir sa place dans le chœur social.
La composition du récit s'appuie sur les rapports entre parents et adolescents (jeunes gens vivant encore dans leur famille) et entre pairs, le cercle des amis et amies. La narratrice n'est pas Liam/Luna (en cela Julie-Anne Peters évite le faux récit intime, ce qui n'est pas sans signification dans un texte qui traque l'hypocrisie, le mensonge, le paraître comme voile social du conservatisme) mais Regan, la sœur. Ce dispositif narratif installe, en retour, les dialogues au cœur de la construction de soi, les dialogues, donc la confrontation, le rapport à l'autre aux autres de l'autre des autres à soi. Il n'y a, donc, pas de dissertation de l'auteure sur le sujet de son livre. L'action et les dialogues livrent, seuls, le sujet, l'approfondissent au fil des pages.
Du coup, La Face cachée de Luna montre que la tolérance est un privilège des dominants qui détermine l'espace du permis (et donc celui de l'interdit) dans des constructions sociales, dont la construction sexuelle identitaire. C'est pour cela que le roman porte une charge critique aiguisée contre l'homophobie et la norme hétérosexiste.
C'est un des thèmes de la réflexion d'un courant de la critique des genres, outre-Atlantique, particulièrement fécond.
La Face cachée de Luna permet, également, au lecteur, de ne pas confondre transgenre et homosexualité. Là encore, sans que l'auteure emprunte la voie du discours scholastique. Aux dialogues est dévolue cette tâche.
Alors, le naturalisme tempéré de Peters réussirait-il, là où Burgess ne cesse d'échouer en ses fins de roman, à savoir laisser béante une brèche critique grâce et par la littérature de jeunesse ? La critique des genres, la défense des transgenres, ont une charge critique indéniable, ne serait-ce que dans le domaine capital de la stéréotypie sexuelle. Pour autant, si le livre de Peters excelle à faire advenir à la conscience du lectorat la complexité des désirs, il le laisse sans arme sur la question de la non-naturalité de l'hétérosexualité. Surtout, Luna part, va se mettre hors de son monde initial, pour achever sa transition ce qui renvoie l'héroïne à cet univers virtuel (Liam/Luna est unE expertE en informatique) dans lequel elle s'enfermait jusqu'alors pour mieux se trouver elle-même. C'est sûrement une limite, en tout cas, c'est notre sentiment, mais qui ne saurait suffire à diminuer l'intérêt assez exceptionnel du roman de Julie Anne Peters.
Philippe Geneste & Annie Mas